Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/312

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tenir le bras de votre mari. Ce bassin d’argent que je vois là, sur ce meuble, servira pour recevoir le sang de la saignée.

Les différents ordres du médecin sont silencieusement accomplis par la comtesse sans que l’expression de sa physionomie trahisse ni émotion ni défiance. Ce calme extraordinaire frappe Karvel. Tout en enroulant autour du bras de Montfort une bandelette de drap écarlate destinée à opérer le gonflement des veines, le Parfait observe Alix de Montmorency, et, voulant s’assurer si cette étrange insouciance est réelle ou feinte, il dit à la comtesse, qui, agenouillée, soutenait le bras de Montfort : — Je vous le recommande en grâce, madame, ne laissez pas fléchir le bras du comte lorsque je piquerai la veine ; car, près d’elle se trouve une artère que je pourrais atteindre au moindre tressaillement du malade, et cette atteinte serait pour lui… mortelle.

Alix de Montmorency, impassible. — Mon époux peut mourir… il est en état de grâce.

Karvel, effrayé de cette insensibilité glaciale, demeure un moment interdit ; puis il ouvre dextrement la veine. Aussitôt il s’en échappe un jet de sang noir et épais qui tombe, fumant, dans le bassin d’argent.

Karvel. — Quel sang noir !… Cette saignée sauvera, je l’espère, votre mari, madame.

Alix de Montmorency. — Que la volonté du Seigneur soit faite en toutes choses !

Le sang du malade continue de couler dans le bassin d’argent. Ce bruit sourd et continu interrompt seul le profond silence qui règne dans la chambre. Le Parfait, observant attentivement les traits de Montfort, voit peu à peu opérer la bienfaisante influence de la saignée. La peau du malade, jusqu’alors sèche et brûlante, se couvre d’une sueur abondante ; sa respiration devient de plus en plus facile ; sa poitrine s’allége ; ses yeux, d’abord fixes et ardents, se ferment bientôt sous leurs paupières appesanties. Karvel consulte de nouveau le pouls du comte et s’écrie vivement : — Il est sauvé !