Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/345

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Peau-d’oie, se grattant l’oreille. — Hum, hum, la corde de ta potence me paraît bien mince et ton échelle bien frêle… Je suis, tu le vois, fort pesant… je crains… par mon poids, de démolir ta machine. Or, je te conseille, en ami, de surseoir à ma pendaison, et de…

Le bourreau. — Rassure-toi ! Je te pendrai haut et court, bel et bien ; dépêchons, voici la nuit.


Peau-d’oie, que l’on entraîne vers la potence. — Adieu, Mylio ! j’ai bu ici-bas mon dernier broc de vin ! nous trinquerons dans les étoiles ! (Se tournant vers le balcon où siége l’abbé Reynier.) Et toi, va-t’en au diable, qui t’attend sa grande poêle à la main, abbé de luxure ! évêque d’hypocrisie, cardinal de scélératesse ! C’est Satan, cette fois, qui fera la friture de l’abbé de Citeaux !

Le bourreau, monté jusqu’au milieu de l’échelle appuyée à la potence, tire violemment à lui le condamné par le collet de sa tunique pour le forcer de gravir les premiers échelons ; mais, ne se prêtant nullement à la chose, et abusant de sa pesanteur inerte, Peau-d’Oie reste immobile. Alors les aides le poussant, le soulevant à grands renforts de bras et d’épaules, parviennent à le hisser, malgré lui, jusqu’au milieu de l’échelle, mais le poids énorme du jongleur, et les brusques secousses que sa résistance a imprimées à la potence, hâtivement et peu solidement plantée, l’ébranlent ; elle fléchit, vacille ; et tombant avec l’échelle, Peau-d’Oie et les bourreaux, dans sa chute, elle atteint la troisième potence ; celle-ci, cédant à ce choc, est renversée sur la quatrième, et ainsi de proche en proche ; le plus grand nombre de ces instruments de supplice, mal assurés dans le sol durant la nuit, sont abattus sur l’esplanade.

Montfort, avec impatience. — Puisque les potences nous font défaut, exterminez ces hérétiques par le glaive !

Le comte quitte bientôt le balcon, emmenant Alix de Montmorency, qui se soutient à peine Quoique le crépuscule du soir ait remplacé le jour, l’abbé Reynier et les autres prélats restent pour veiller à l’exécution de la tuerie ; les hommes d’armes qui ont amené les