Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/314

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demain, au point du jour, assaillir l’ennemi, déjà démoralisé par ses précédentes défaites ; que répondent les capitaines :

« Ce même jour après souper, les capitaines dirent à Jeanne qu’ils voyaient bien qu’ils étaient peu au vis-à-vis des Anglais ; et que la ville étant ravitaillée, ils pouvaient attendre des secours du roi, et que le conseil de guerre trouvait fort imprudent de sortir le lendemain, de quoi la Pucelle fut grandement courroucée. » (T. III, p. 109.)

Il va de soi que Jeanne Darc, sortant malgré la décision du conseil de guerre, remporta une nouvelle victoire. D’autres fois, elle commandait aux capitaines de conduire leurs compagnies à l’assaut ; ils éludaient ou n’exécutaient qu’à demi ses ordres. Mais la vaillante marchait toujours au combat, suivie des milices bourgeoises d’Orléans, qui ne lui firent jamais défaut et se montrèrent héroïques dans ce siége. Ainsi, nous lisons :

«… Tous ne la suyrent (suivirent) pas, comme elle cuydoit (voulait) ; et accompagnée de peu de monde, elle alla attaquer la bastille Saint-Augustin, son étendard à la main, fit sonner trompilles et donna le signal de l’assaut. Elle se logea pour la nuit dans cette bastille, et dit : — Nous aurons demain les tours de la redoute du pont ; je ne rentrerai dans Orléans que lorsqu’il sera en la main du roy Charles. » (Perceval de Cagny, t. IV, p. 9.)

Et ailleurs nous lisons encore :

« Jeanne, contrairement à l’avis de plusieurs chefs de guerre, qui prétendaient qu’elle mettait les soldats du roi en un grand danger, se fit ouvrir la porte de Bourgogne, petite porte près d’une grosse tour ; et elle passa l’eau, afin d’aller attaquer les redoutes du pont. » (Dép. de Louis le Conte, t. III, p. 70.)

Le même fait est rapporté par un autre chroniqueur, avec plus de détails ; il en appert que cette fois l’un des capitaines voulut employer la violence pour empêcher Jeanne d’aller attaquer et vaincre les Anglais :

« Le jour de l’attaque de la redoute de Saint-Augustin, le sire de Gaucourt, qui était chargé de la direction des soldats du roi et de ceux des chefs de guerre, trouva mauvais que Jeanne fît une sortie, et garda lui-même la porte de Bourgogne, afin d’empêcher personne de sortir.

» Jeanne arriva à la tête de beaucoup de bonnes gens d’Orléans armés, afin d’aller attaquer ladite bastille ; le sire de Gaucourt s’opposant au passage de Jeanne, elle lui dit :

« — Vous êtes un mauvais homme ! Que vous le vouliez ou non, mes hommes me suivront et vaincront comme ils ont déjà vaincu.

» Et malgré le sire de Gaucourt, les bonnes gens d’Orléans sortirent en armes et attaquèrent et enlevèrent la bastille de Saint--