Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/38

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tent sur la paille. C’est pourquoi ils n’ont point pu venir à la ville. Moi, je suis Guillaume, le père à l’épousée…

— Ces témoins suffiront, je pense, monseigneur, et l’amende honorable peut commencer ? — dit le notaire au sire de Nointel. — Celui-ci répondit d’un signe de tête affirmatif, tout en riant très-fort avec ses amis de la physionomie stupide et craintive des deux manants. Mazurec, toujours agenouillé à quelques pas de son seigneur, n’avait pu, à l’aspect du père d’Aveline, retenir ses larmes ; elles coulèrent lentement de ses yeux enflammés, tandis que le notaire lui disait : — Mets tes mains en croix sur ta poitrine.

Le condamné serra les poings avec rage et n’obéit pas au notaire.

— Hé !… fieu, — s’écria Guillaume Caillet en s’adressant à Mazurec d’un ton de reproche, — t’entends donc point ce doux sire ? Il te dit de mettre tes deux bras en croix, comme ça… tiens… fieu… regarde-moi…

Ce dernier mot regarde-moi fut accentué de telle force par le vieux paysan que Mazurec releva la tête et comprit la signification du coup d’œil rapide et expressif que lui lança Guillaume. Aussi, obéissant dès lors aux ordres du notaire, le condamné plaça ses bras en croix sur sa poitrine.

— Maintenant, — reprit le tabellion, — lève la tête vers notre sire et répète mes paroles : « Monseigneur, je me repens humblement d’avoir eu l’audace de m’emporter en mauvaises paroles contre vous… »

Le serf hésita un moment, puis faisant un violent effort sur lui-même, il répéta d’une voix sourde : — Monseigneur... je me repens humblement d’avoir eu l’audace de m’emporter… en… mauvaises paroles… contre vous.

Item, — poursuivit le notaire : — « Je me repens non moins humblement, monseigneur, d’avoir voulu méchamment m’opposer à ce que vous usiez de votre droit de prémices sur une de vos vassales que j’ai prise pour femme. »