Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La résignation de Mazurec était à bout ; les dernières paroles du notaire rappelant au malheureux serf la violence infâme dont avait été victime la douce vierge qu’il aimait si tendrement, il poussa un cri déchirant, cacha sa figure entre ses mains et tomba la face contre terre en poussant des sanglots convulsifs. À ce spectacle, Mahiet, aussi navré que courroucé, allait, malgré lui, céder à son indignation, lorsqu’il entendit la voix de Guillaume Caillet. Celui-ci, se baissant vers Mazurec comme pour l’aider à se relever, lui avait dit deux mots à l’oreille sans être entendu de personne et continuait tout haut : — Hé ! fieu… quoi que t’as donc… à larmoyer, mon garçon ?… On te dit que notre bon seigneur te pardonnera ta faute, quand t’auras répété les mots qu’on te demande… Trédame ! dégoise-les donc vitement, ces mots ! — Mazurec se leva la figure baignée de larmes, et avec un sourire de damné, il répéta ces mots après que le notaire les lui eut redits une seconde fois :

— Monseigneur, je me repens d’avoir voulu méchamment m’opposer à ce que vous usiez de votre droit de prémices… sur ma femme.

« — En repentance de quoi, monseigneur, — poursuivit le notaire, — je me remets humblement à votre merci et miséricorde… »

— En repentance de quoi, monseigneur, — articula péniblement Mazurec d’une voix affaiblie, — je me remets à votre merci et miséricorde…

— Ainsi soit-il, — dit le sire de Nointel d’un ton hautain et railleur, — je t’accorde merci et miséricorde… mais tu ne seras libre qu’après avoir satisfait au duel judiciaire où tu es appelé par mon hôte Gérard de Chaumontel, noble homme, que tu as outrageusement diffamé en l’accusant de larcin. Puis, s’adressant à l’un des écuyers : — Que l’on garde ce manant jusqu’à l’heure du tournoi et que l’on rende la fille à son père. — Le jeune seigneur se dirigeant alors vers la porte de l’église avec ses amis, leur dit en riant : — La leçon sera bonne pour Jacques Bonhomme. Savez-vous, messeigneurs, que ce lourdaud commence à vouloir dresser l’oreille et se rebeller contre nos