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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/75

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— Qu’est-elle donc ?

— Son regard ! son accent, son attitude, son langage, tout révèle une femme extraordinaire…

— Jean, c’est beaucoup dire.

— Ce n’est pas assez dire… Elle est vraiment inspirée…

— Par qui ? par quoi inspirée ?… Allez-vous prendre ses visions au sérieux ?

— Je suis incapable de pénétrer ces mystères ; je crois ce que je vois, ce que j’entends, ce que j’éprouve. Robert, mes pressentiments ne me trompent pas… Jeanne est ou sera une femme de guerre illustre, et non l’instrument passif des capitaines… Elle peut sauver le pays…

— Elle est donc sorcière ? En ce cas, le curé nous en rendra bon compte.

— Sorcière ou non, je suis tellement frappé de ses réponses, de sa candeur, de sa hardiesse, de son bon sens, de son irrésistible sincérité, que vous dirai-je ? elle m’a tellement subjugué… que si le roi répond à votre messager qu’il consent à voir Jeanne… je l’accompagne dans son voyage…

— Vous ?

— Moi !

— Ah ! sire Jean ! sire Jean ! — dit en riant Robert de Baudricourt, — voici une résolution bien prompte !… Seriez-vous féru par les beaux yeux de cette pucelle ?…

— Que je meure si je cède à quelque pensée mauvaise ! Telle est la fière innocence du regard de cette jeune fille, que luxurieux serais-je… son regard refroidirait à l’instant ma luxure[1]. Je jurerais par mon salut que Jeanne est chaste ! Ne l’avez-vous pas vue rougir jusqu’au front à l’idée de chevaucher seule de son sexe en compagnie des cavaliers de son escorte ? Ne l’avez-vous pas entendue témoigner de son

  1. Procès de réh., t. II, p. 401.