Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/39

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nité, qui fut rapportée à la cour d’une manière très avantageuse, et qui me fit honneur.

La nouvelle de l’arrivée d’un homme prodigieusement grand, s’étant répandue dans tout le royaume, attira un nombre infini de gens oisifs et curieux ; en sorte que les villages furent presque abandonnés, et que la culture de la terre en aurait souffert, si sa majesté impériale n’y avait pourvu par différens édits et ordonnances. Elle ordonna donc que tous ceux qui m’avaient déjà vu retourneraient incessamment chez eux, et n’approcheraient point, sans une permission particulière, du lieu de mon séjour. Par cet ordre, les commis des secrétaires d’État gagnèrent des sommes très-considérables.

Cependant l’empereur tint plusieurs conseils pour délibérer sur le parti qu’il fallait prendre à mon égard : j’ai su depuis que la cour avait été fort embarrassée. On craignait que je ne vinsse à briser mes chaînes et à me mettre en liberté. On disait que ma nourriture, causant une dépense excessive, était capable de produire une disette de vivres. On opinait quelquefois à me faire mourir de faim, ou à me percer de flèches empoisonnées : mais on fit réflexion que l’infection d’un corps tel que le mien pourrait produire la peste dans la capitale et dans tout le royaume. Pendant qu’on délibérait,