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LE RÉGIME MODERNE


vent, c’est que le couvent lui plaît mieux que le monde ; nul autre motif, aucune impulsion ou répression d’espèce inférieure et différente, contrainte directe ou indirecte, domestique ou légale, ambition, vanité, paresse innée ou paresse acquise, satisfaction certaine de la sensualité grossière et bornée. Ce qui opère maintenant, c’est la vocation naissante et persistante ; l’homme ou la femme, qui prononce des vœux et les observe, ne contracte et ne tient son engagement que par un acte spontané, délibéré et incessamment renouvelé de son libre arbitre.

Ainsi épurée, l’institution monastique revient à sa forme normale : c’est la forme républicaine et démocratique, et l’utopie impraticable, que les philosophes du XVIIIe siècle voulaient imposer à la société laïque, devient le régime effectif sous lequel vont vivre les communautés religieuses. Dans toutes, les gouvernants sont élus par les gouvernés ; que le suffrage y soit universel ou restreint, tout vote en vaut un autre, les voix sont comptées par tête, et, à des intervalles périodiques, la majorité souveraine use à nouveau de son droit ; chez les carmélites, c’est tous les trois ans, et pour nommer au scrutin secret, non pas une seule autorité, mais toutes les autorités, la prieure, la sous-prieure et les trois clavières[1]. — Une fois nommé, le chef, conformément à

  1. Voici quelques autres exemples. Chez les filles de Saint-Vincent de Paul, le supérieur des prêtres de la Mission propose deux noms, et toutes les sœurs présentes à Paris choisissent entre ces deux noms, à la pluralité des voix. Les supérieures locales sont désignées par le conseil des sœurs qui réside toujours à la