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L’ÉCOLE


ses maîtres, il se taisait, il écoutait, ce qui est l’unique moyen d’entendre. S’il avait de l’esprit, il découvrait lui-même ses lacunes ; à mesure qu’il les constatait, il éprouvait le besoin de les combler, il cherchait, s’ingéniait, choisissait entre les divers moyens ; librement et par sa propre initiative, il collaborait à son éducation, générale où spéciale. S’il lisait des livres, ce n’était pas avec résignation et pour les réciter, mais avec avidité et pour les comprendre. S’il suivait des cours, ce n’était point parce qu’il y était tenu, mais volontairement, parce qu’il s’y intéressait et y profitait. — Magistrat à dix-sept ans, le témoin que je cite[1] suivait au lycée ceux de Garat, La Harpe, Fourcroy, Deparcieux, et, tous les jours, à table ou le soir, il entendait son père et les amis de son père raisonner entre eux des affaires qui, le matin, avaient été discutées au Palais ou à la Grand’Chambre. Il se prenait de goût pour sa profession : avec deux ou trois avocats de mérite et quelques jeunes magistrats comme lui, il s’inscrivait à une conférence chez le premier président de la première chambre des enquêtes. Cependant il allait chaque soir dans le monde ; il y voyait, de ses yeux, les mœurs et les intérêts, les hommes et les femmes. D’autre part, au Palais, conseiller écoutant, il siégeait, pendant cinq années, à côté des conseillers juges, et parfois rapporteur d’une affaire

    Plein de confiance en la force, en la valeur qu’il se suppose, il est dominé par une seule pensée, celle de montrer au plus vite cette force et cette valeur, de faire preuve enfin de ce qu’il vaut. »

  1. Le chancelier Pasquier.