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L’ÉGLISE


« nouveaux[1] », de son propre mouvement, « pour faire cesser le veuvage des Églises » il leur nomme des évêques, il leur assigne un régime provisoire, en attendant l’époque où, de concert avec des gouvernements mieux assis, il décrétera leur régime définitif. — De cette façon, toutes les grandes Églises actuelles de l’univers catholique sont l’œuvre du pape, son œuvre récente, sa création attestée par un acte positif dont la date est voisine et dont le souvenir est vivant : il ne les a pas reconnues, il les a faites ; il leur a donné leur forme externe et leur structure interne ; aucune d’elles ne peut se regarder sans retrouver dans ses statuts l’empreinte toute fraîche de la main souveraine qui l’a façonnée ; aucune d’elles ne peut se dire ou même se croire légitime, sans déclarer légitime l’autorité supérieure qui tout à l’heure lui a conféré la vie et l’être. — Dernier pas, et le plus grand de tous, par delà les choses de la terre et de l’ordre pratique, dans la théologie spéculative, dans la révélation du surnaturel, dans la définition des choses divines : pour mieux constater son autocratie, le pape, en 1854, décrète, à lui seul, un nouveau dogme, la conception immaculée de la Vierge, et il a soin de marquer que c’est à lui seul, sans le concours des évêques ; ils étaient là, mais ils n’ont ni délibéré, ni jugé[2]. — Ainsi s’édifient les pou-

  1. Bercastel et Henrion. XIII, 524.
  2. « Adstantibus, non judicantibus. » — Un des prélats réunis au Vatican le 20 novembre 1854 fit remarquer que, si le pape prononçait sur la définition de l’immaculée Conception…, « ce ju-