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L’ÉGLISE


dotation de presque tous les prélats, par l’assistance répressive que le bras séculier prêtait à l’Église contre les dissidents et les libres penseurs, par la législation et la pratique immémoriale, qui, érigeant le catholicisme en religion d’État, imposaient la foi catholique au prince, non seulement en sa qualité d’homme privé et pour fixer sa croyance personnelle, mais encore en sa qualité de magistrat public, pour influer sur sa politique et collaborer à son gouvernement. Ce dernier article est capital, et, de son abrogation, le reste suit : à ce tournant de la route, le clergé français est jeté hors de la voie gallicane, et tous les pas qu’il va faire l’achemineront vers Rome. Car, selon la doctrine catholique, hors de l’Église romaine, point de salut ; y entrer, y rester, y être conduit par elle, est le suprême intérêt et le premier devoir de l’homme ; elle est le guide unique, infaillible ; tous les actes qu’elle réprouve sont coupables, et non pas seulement les actes privés, mais aussi les actes publics ; comme particulier, le souverain qui les commet peut être catholique de profession et même fidèle de cœur ; mais, comme gouvernant, il est infidèle, il a perdu son caractère semi-ecclésiastique, il a cessé d’être « l’évêque extérieur », il est indigne de commander à des clercs. Désormais la conscience chrétienne ne s’incline plus devant lui avec amour et respect ; il ne reste, pour le supporter, que la prudence sociale ; encore est-ce avec résignation, parce que l’Église ordonne d’obéir aux puissances, et la même Église ordonne de ne pas obéir aux