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LE RÉGIME MODERNE


puissances quand, abusant de leur force, elles empiètent sur ses droits.

Or, depuis dix ans, l’État n’a pas fait autre chose, et, au vieux Concordat qui n’était pas bon, il vient de substituer un Concordat pire. Cette nouvelle alliance, qu’il a conclue en 1802 avec l’Église, n’est pas un mariage religieux, le sacrement solennel par lequel, autrefois à Reims, elle et lui se promettaient de vivre ensemble et d’accord dans la même foi, mais un simple contrat civil, plus exactement le règlement légal d’un divorce définitif et motivé. — Dans un accès de despotisme, l’État a dépouillé l’Église de ses biens et l’a poussée hors du logis, sans habits ni pain, pour mendier sur les grandes routes ; ensuite, dans un accès de folie furieuse, il a voulu la tuer, et même il l’a étranglée à demi. Revenu à la raison, mais ayant cessé d’être catholique, il lui a fait souscrire un pacte auquel elle répugne et qui a réduit leur union morale à une cohabitation physique. Bon gré mal gré, les deux contractants continueront à loger dans la même maison, puisqu’ils n’en ont qu’une ; mais, comme leurs humeurs sont incompatibles, ils feront sagement de vivre chacun à part. À cet effet, l’État assigne à l’Église un petit appartement distinct et lui sert une maigre pension alimentaire ; après quoi, il s’imagine qu’envers elle il est quitte ; bien pis, il se figure qu’elle est toujours sa sujette, il prétend à la même autorité sur elle ; il veut conserver tous les droits que lui conférait l’ancien mariage ; il les exerce et il y ajoute. Cependant il