Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/215

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preinte de l’esprit ionien est et devait être sa partie cosmologique et physique. Car qu’est-ce que l’esprit ionien ? le scepticisme en toutes choses : l’amour du plaisir dans la vie ; en politique, des goûts démocratiques et des mœurs serviles ; dans l’art, la prédominance de la grâce ; dans la religion, l’anthropomorphisme ; dans la philosophie, qui est l’expression la plus générale de l’esprit d’un peuple, un empirisme plus ou moins ingénieux, une curiosité assez hardie, mais toujours dans le cercle et sous la direction de la sensibilité. Et qu’enseigne la sensibilité ? Ce qui parait, non ce qui est. Que peuvent donc enseigner les sens sur l’ordre du monde ? Le système des apparences. Or l’apparence pour l’homme est que lui-même et avec lui cette terre qu’il habite est le centre de toutes choses. Selon l’apparence encore, la terre est immobile, et doit être infinie dans sa partie inférieure.

Tel est en effet le système de Xénophane ; et rien n’est plus agréable que de voir une idée générale confirmer par une déduction ingénieuse ce que la discussion des textes avait indiqué. Un peu plus loin, vous voyez l’orateur se lever subitement au milieu d’une citation, et s’interrompre pour exprimer avec une sorte de grandeur poétique l’émotion qui l’a saisi. Le contraste est brusque et frappant :

Aristote, dans son livre sur Xénophane, Gorgias et Zénon, Simplicius dans son Commentaire sur la physique d’Aristote, et Théophraste dans Bessarion, nous ont conservé le corps de l’argumentation par laquelle Xénophane démontrait que Dieu n’a pas eu de commencement et qu’il