Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/25

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« Car enfin, se disait-il, il est clair que mes philosophes admettent toutes ces sages et honnêtes doctrines, non par pudeur, complaisance ou bonté de cœur, mais par démonstration. Leur philosophie ne les en détourne pas, elle les y conduit ; elle leur fournit des arguments, non des objections. Pourquoi donc mon jeune étudiant les pousse-t-il de force dans des opinions dont ils s’écartent avec horreur ? Pourquoi veut-il que son chemin soit le seul praticable ? Pourquoi m’oblige-t-il à m’y engager ? Est-ce qu’il n’y a pas cinquante routes pour arriver au même but ? Est-ce que les philosophes qu’il approuve le plus n’ont pas établi l’existence de Dieu, chacun par des preuves différentes, et en prenant soin de déclarer mauvaises celles de leurs prédécesseurs ? Descartes rejetait l’argument des causes finales, Leibnitz celui que Descartes tirait de l’idée d’infini, Kant toutes les démonstrations, excepté celle qu’il découvrait dans la loi morale. Les sensualistes seuls seraient-ils exclus du droit commun, et leur défendrait-on de prouver Dieu à leur manière ? D’autant plus que cette manière est claire, simple, exempte de grandes phrases et d’abstractions rébarbatives, pouvant être employée dans un fauteuil au coin de la cheminée, et n’ayant pas besoin d’être étalée en chaire, avec accompagnement de métaphores et d’éloquence. Il me semble que la méthode de réfutation qu’emploie mon