Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/150

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dévoré du rêve encyclopédique, plus il est en proie à la symétrie trichotomique ou dichotomique. Cette dernière est propre à notre Descartes.

Ce n’est pas sans surprise que nous retrouvons le même besoin d’opposition symétrique dans l’un des plus éminents et aussi des plus circonspects philosophes français de ce siècle, Cournot. C’est une de ses idées favorites qu’il existe « une sorte d’analogie ou de symétrie entre des corps de doctrines scientifiques, d’ailleurs très disparates quant à leur objet, mais symétriquement placées en quelque sorte par rapport aux deux pôles ou régions extrêmes de la série des idées premières qui servent de point de départ à l’explication scientifique. Ainsi Leibniz a signalé avec raison l’analogie entre la science abstraite des jurisconsultes et celle des géomètres ; ainsi l’on a qualifié avec justesse de physique sociale la science de ces faits auxquels donne lieu l’agglomération des hommes par grandes masses, dans lesquelles toute individualité s’efface, toute irrégularité due aux caprices de la liberté se compense, et dont par cela même les lois ressemblent fort à celles qui gouvernent les phénomènes dont s’occupe la physique proprement dite. Que cette symétrie et cette polarité si remarquables tiennent à la nature des données fondamentales de notre intelligence, on n’en saurait douter ; mais elles tiennent aussi au plan général de l’Univers »[1]. Dans son ensemble, cette vue me paraît fausse ou forcée, mais ce

  1. Il faut lire dans le chapitre xv du livre IV du Traité de l’Enchainement des idées fondamentales, les ingénieux et profonds développements de cet aperçu original qui trouve ses meilleures applications en économie politique et en philologie.