Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/19

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Chaque fois qu’il parle des contraires, il apporte des aperçus nouveaux, il cherche visiblement à se rectifier, à se compléter ; il n’est pas satisfait de sa conception, que tantôt il s’évertue en vain à préciser, tantôt il élargit abusivement. Cette question l’obsède. Par sa théorie des contraires, il se persuade expliquer le mystère de la transformation universelle[1]. « Ainsi, dit-il, toutes choses viendront du mélange des contraires ou des éléments ; les éléments eux-mêmes viendront de ces contraires, qui sont, en quelque sorte, les éléments en puissance. Le chaud réel est froid en puissance, et le froid réel est chaud en puissance également. » Il explique la formation de la chair par l’opposition du liquide et du sec parvenus à se mélanger en doses à peu près égales. (Cela ne rappelle-t-il pas, au fond, l’importance que Spencer attache à l’état plastique des tissus organiques ?) Il incline à admettre (comme Spencer encore) la similitude symétrique des deux changements opposés, de production et de destruction. D’abord, il veut que la production et la destruction naturelles s’accomplissent en un temps égal, ce qui est manifestement faux pour les âges successifs des êtres vivants, mais non pour les périodes astronomiques. Aussi prend-il ses exemples parmi celles-ci : « Quand le soleil se montre, il y a production ; quand il se retire, il y a destruction, et ces deux phénomènes se passent en des temps égaux. » — « Mais souvent, s’objecte-t-il à lui-même, il arrive que la destruction est plus rapide », et nous verrons plus loin la portée de cette remarque. Il croit se rendre compte de cette alternance soi-disant régulière des

  1. Voir son ouvrage sur la Production et la Destruction des choses, dont le titre seul est déjà significatif.