Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/182

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oubliées à jamais, et il en est de ces perceptions presque aussitôt disparues qu’apparues comme des inventions non imitées, qui ne comptent pas socialement. Il n’y a d’important mentalement que les apparitions réapparues, remémorées, conservées dans le sous-moi, dans le sous-sol en quelque sorte, de l’être conscient. À la différence des apparitions, ces réapparitions, ces images, ont une facilité et une tendance extrêmes à se fusionner et à se coordonner. Aussi est-ce entre elles que notre logique interne, exercice propre de nos deux virtualités essentielles sous la double forme de la logique proprement dite et de la finalité (qui est une logique aussi), travaille à nouer des liens systématiques. Notre vie psychique n’est qu’un classement et un accouplement de souvenirs.

Nouveaux ou remémorés, les phénomènes psychologiques sont toujours réductibles à ces trois éléments, la croyance, le désir, les sensations[1]. Au fond, la psychologie n’étudie jamais que ces trois choses ou leurs combinaisons, comme la physique n’étudie que l’espace, le temps et les matières ou leurs combinaisons, telles que la forme et le mouvement. Mais le tort des psychologues est souvent de traiter comme des corps simples, dans leur chimie mentale, des corps composés. Ils ont cependant montré une grande sagacité pour décomposer les associations que les sensations et les images en se combinant forment entre elles. Aussi je n’en parlerai guère. Mais, quand la croyance ou le désir se marient entre

  1. Les sensations pures, abstraction faite, par hypothèse, des jugements inconscients dé localisation, de classification, d’appellation verbale, etc., qui s’y mêlent toujours et que l’on confond trop souvent avec elles.