Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/183

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eux ou avec les sensations et les images, ils ne prennent pas garde à ces unions si fécondes. Ils se bornent à en décrire avec beaucoup de finesse les produits sous les noms variés de jugement, volonté, attention, passion, sentiments, etc., choses dont ils n’ont pas exagéré d’ailleurs l’importance capitale. — Qu’est-ce que l’attention ? Un effort pour voir plus clair, pour ouïr plus net, pour préciser et accentuer une perception encore imparfaite et confuse, et par là croire plus fort quelque chose qu’on entrevoit ; en un mot, c’est un désir ayant, à travers des sensations, un accroissement de croyance pour objet. — Qu’est-ce que la question, autre attitude du moi, voisine de la précédente, et non moins digne d’examen ? Un doute, né le plus souvent des deux tendances opposées à nier et à affirmer la même chose, et le désir d’échapper à ce doute en niant ou en affirmant décidément. — Qu’est-ce que le jugement ? C’est beaucoup plus complexe qu’il ne semble. C’est d’abord un lien, affirmé ou nié avec plus ou moins de force de croyance, entre un sujet et un attribut, entre deux notions. Mais une notion n’est qu’un ancien jugement répété, devenu habituel, déposé en image générique ou mieux verbale. Un jugement est donc une conclusion, le fruit d’un raisonnement implicite. Par là, « la croyance inhérente aux perceptions immédiates, jugements primitifs, s’est affranchie. Mais on ne songe à utiliser de la sorte ce qu’on sait, ce qu’on croit fermement, et à en déduire d’autres connaissances (ou croyances très fortes) qui y sont impliquées, que si l’on désire posséder ces dernières[1]. » Dans le jugement même,

  1. Je me permets de reproduire ces lignes empruntés, avec d’autres idées, à une étude que j’ai publiée il y a bien longtemps dans la Revue philosophique