Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/20

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générations et des destructions universelles par la translation circulaire du système solaire, « que les corps simples ne font qu’imiter ». Cependant, avec sa sagacité habituelle, il se fait une objection. Puisque toute production est circulaire, « comment se fait-il que les hommes et les animaux ne reviennent pas également sur eux-mêmes de façon à ce que le même individu reparaisse ? » Il répond, mais il répond mal.

Son obsession de sa théorie des contraires est telle, qu’il fonde sur elle sa morale. La vertu n’est pour lui qu’un terme moyen entre deux vices opposés : le juste milieu est de son invention. « Entre les deux sentiments de crainte et d’assurance (excessive), le courage tient le milieu. » Entre la prodigalité et l’avarice, la libéralité. Entre l’irascibilité et le flegme, la douceur. Entre l’exagération hyperbolique et l’atténuation dénigrante, la véracité. Entre le chagrin envieux du bonheur des autres et la joie malveillante de leur malheur, la justice. Entre la bouffonnerie, qui plaisante sur tout, et la rusticité, qui ne plaisante sur rien, l’amabilité. Mais ce terme moyen, dont il reconnaît ici la vraie place, il le cherche souvent et ne l’aperçoit pas, ce qui tient à sa notion trop large et trop peu nette des contraires. Il croit devoir distinguer, — et il se donne beaucoup de mal pour justifier cette distinction, — les contraires qui ont et ceux qui n’ont pas d’intermédiaires. Ceux qui ont un intermédiaire sont le blanc et le noir, par exemple ; ceux qui n’en ont pas sont le pair et l’impair, la maladie et la santé, etc. En réalité, comme nous essaierons de le montrer, tous les véritables contraires sont séparés par un état neutre, un état zéro.

Parmi les choses qui n’ont pas de terme moyen, Aristote