Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/21

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cite les propositions contradictoires. « Il n’est pas possible, dit-il, qu’entre deux propositions contradictoires il y ait jamais un terme moyen ; mais il y a nécessité absolue ou d’affirmer ou de nier une chose d’une chose. » Il confond ici, visiblement, les conditions extérieures de la réalité avec celles de notre pensée. Qu’une chose soit ou ne soit pas, sans milieu possible, cela est certain. (Aussi, à mon sens, l’être n’est-il pas contraire au non-être ; le non-être n’est qu’un terme moyen entre deux réalités contraires), mais il est non moins certain que nous ignorons une foule de choses, et que, dans notre ignorance, nous nous abstenons souvent de nier ou d’affirmer telle chose de telle autre. Entre l’affirmation plus ou moins convaincue et la négation plus ou moins convaincue pareillement, il y a le doute, tandis qu’entre l’être et le non-être il n’y a pas de milieu : cela veut dire que l’être des choses nous apparaît comme étant tout autre chose que leur affirmabilité, et leur non-être comme étant tout différent de leur niabilité. En somme, le grand stagyrite est si peu parvenu à éclaircir cette question embrouillée, — et cela n’est pas surprenant dans l’état embryonnaire de la science de son temps, — qu’il finit par dire que toute différence est une contrariété et que deux espèces du même genre sont toujours opposées entre elles[1]. Mais il remarque fort bien que « c’est toujours un seul contraire qui est opposé à un seul contraire ». Il a bien vu, en physique, les véritables oppositions du mouvement, qui se réduisent à la double direction possible le long

  1. Proposition qui étonne un peu, non sans raison, son commentateur. Celui-ci fait ingénument observer que « l’homme est différent du cheval sans être le contraire du cheval ».