« La première raison c’est que, dans un même pays, beaucoup de riches et beaucoup de pauvres ne sauroient bien vivre ensemble, parce qu’ils sont placés aux deux extrémités ; mais si par entre deux se trouvent les moyens riches, les ordres de l’état sont convenablement réglés.
« La seconde est que communément riches et pauvres ne s’entr’aiment pas ni ne s’entr’accompagnent. Il faut donc une classe moyenne pour les rapprocher.
« La troisième est que le désaccord entre les très riches et les très pauvres pourroit entraîner la ruine du royaume ou de la cité, parce que les pauvres feroient étude de ravir le bien des riches.
« La quatrième est qu’avec une classe moyenne nombreuse, il n’y a jamais autant de rivalité et d’envie entre les deux extrémités[1]. » Un pareil langage, tenu dès le XVe siècle, mérite assurément d’être remarqué, surtout si on se rappelle qu’il était directement adressé aux princes qui gou-
- ↑ Voir l'Histoire de Charles V, par Christine de Pisan, dans les Mémoires de MM. Michaud et Poujoulat, t. II, p 73.
On remarquera, dans les textes originaux de cette introduction, que nous avons cru devoir traduire certaines locutions de Christine qui n’auraient pas été comprises également de tous les lecteurs.