Page:Variétés Tome II.djvu/132

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elle alloit en ce logis. Elle estoit assistée d’une autre jeune femme que je ne cognois pas. Je la suis donc et me glisse derrière la porte subtilement, où je me cache afin d’entendre les discours qu’elles tiendroient, et venir à la cognoissance du motif qui les faisoit acheminer en ce lieu. Je suis esmerveillé que j’entends une grande assemblée de personnes qui n’avoient pas volonté de rire, mais qui estoient merveilleusement affligées ; j’ouvrois les oreilles et estois attentif, comme un homme qui a quelque soupçon de sa femme, lequel escoute tousjours attentivement lorsqu’il l’entend parler avec quelqu’un (elle n’estoit certes pas ma femme, ne vous persuadez pas cela). Je demeure quelque temps que je ne pouvois facilement concevoir ce que la compagnie disoit.

Mais enfin j’entens que ceste femme icy (comme je l’entens à sa parole, la frequentant ordinairement) parle en ces termes à une de ses commères, nommée Jeanne Bernet, poissonnière de la place Maubert : Vrayement, ma commère, il semble à vous voir que vous n’estes nullement faschée de l’absence et du departement du roy2 ; au moins vous n’en donnez aucun tesmoignage ny aucune marque evidente.


2. On peut voir, par un passage des Caquets de l’Accouchée, combien ces départs du roi et de la cour, qui dépeuploient Paris de tous les gens faisant grande dépense, soulevoient de plaintes dans le corps des marchands. Les femmes n’en gémissoient pas moins. Il parut à ce propos : L’affliction des dames de Paris sur le départ de leurs serviteurs et amis suivant la cour, avec la consolation qui leur est faite sur ce sujet, par Cléandre.