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Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/10

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Philippe Lanthony distingue deux sources d’humour dans Le Beau Danube jaune[1] : « l’apothéose de la pêche à la ligne » et le naïf personnage d’Ilia Krusch, « qui ne comprend rien à rien » du début à la fin, mais incarne, en digne « lauréat de la Ligne Danubienne », toute la sagesse philosophique du vrai pêcheur à la ligne. Cet homme simple et bon suscite la sympathie. Pour Ph. Lanthony, « ce Hongrois échappé de Quiquendone est une des plus comiques personnalités qu’ait inventée la plume ironique de Jules Verne ».

L’écrivain peut conclure en souriant ce roman à la gloire de la pêche à la ligne :

« Et après ce récit, qui oserait plaisanter cet homme sage, prudent, philosophe qu’est en tout temps et en tout pays le pêcheur à la ligne ? »

Symbolique de l’œuvre

Tous ces fleuves descendus dans les dernières œuvres ne sont pas sans signification. À l’exception de La Chasse au météore — où pourtant la ville est « baignée des eaux claires du Potomac » —, dans tous les romans posthumes coulent des fleuves : le Canal du Beagle, autre Styx, dans En Magellanie[2] ; le Danube dans Storitz ; les rivières, les lacs et le Yukon dans Le Volcan d’or ; et enfin dans Le Beau Danube jaune, la descente complète du Danube, de sa source à son embouchure. Bouche terminale, Kilia, qui donne son prénom au héros : Ilia K. de K/ilia.

Fleuves, symboles de la vie, qui, dans le cas du Danube, aboutit à la Mer Noire, couleur de mort.

Pendant cette descente, un spectateur, un « voyeur », dévore des yeux le spectacle. Ce personnage passif, M. Jaeger, n’est-ce pas l’écrivain lui-même qui, avant sa mort, accumule ces dernières visions, en « chasseur » (Jaeger, chasseur en allemand) d’images ? D’ailleurs, le nom de Jaeger peut aussi se lire comme l’anagramme de Verne, à deux lettres près : JaEgER-JvERnE. Le brave Krusch, lucide pour une fois, soupçonne l’observateur Jaeger de cette activité littéraire :

« M. Jaeger ne s’ennuyait pas un instant. Il s’intéressait de plus en plus à ce qu’il voyait, surtout en ce qui concernait la navigation fluviale. Ilia Krusch se demandait même s’il ne préparait pas quelque travail sur ce sujet, où seraient traitées toutes les questions relatives à la batellerie (…), et n’était-ce pas, en somme, le but de son voyage ?…
Et, comme Ilia Krusch le pressentait à cet égard :
« Il y a quelque chose comme cela, répondit-il en souriant. » (ch. XIV)
  1. voir O. Dumas, « Un roman ironique inédit, Le Beau Danube jaune », BSJV no 84, pp. 4-5
  2. Voir O. Dumas, « La nuit du Kaw-djer dans la barque du Kharon », BSJV no 77, pp. 19-20.
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