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LXXXIII.
Comment Marseille fu prise de par le conte Karle[1].

Il avint en ce temps, l’an de l’Incarnation M CC LVII, Karle le conte d’Anjou envoia ses propres messagers aus bourgois de Marseille et leur pria qu’il se tenissent loiaument envers lui, et que bien le devoient fere pour la contesse sa fame[2] à qui la terre et la contrée apartenoit de par le conte Reimon son pere. Il reçurent les messages et promistrent la cité à tenir de lui et toute la contrée ; mès il ne demoura guieres que les puissanz homes de Marseille monterent en si grant orgueil qu’il firent tout le commun pueple torner contre lui, et chacierent la gent au conte hors de la cité, et pluseurs en mistrent en prison. Et quant il orent ainsi fet, il s’appareillierent à armes contre le conte. Si tost comme nouvelles en vindrent à Karle, il assambla grant ost et vint seur eus a grant force de gent, et tint le siege longuement devant la cité, et fist lancier et giter pierres et mangonniaus si espessement que cil dedenz furent à grant meschief et que viandes leur faillirent. Quant il virent qu’il ne porroient longuement durer, si se rendirent à sa volenté et se sousmistrent à lui. Le conte Karle fist mener en une place touz ceus qui avoient commenciée la traïson encontre lui et com-

  1. Guillaume de Nangis, Vie de saint Louis, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 410-411 ; Chronique latine, t. I, p. 217-218.
  2. Béatrix de Provence, fille et héritière de Raymond-Bérenger IV, que Charles d’Anjou, frère de saint Louis, avait épousée le 31 janvier 1246 (voir ci-dessus, chap. xxxix).