Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/181

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homme, d’examiner aussi mon épée, et je m’aperçus que mon adversaire, à force de parer les coups que je lui portais, avait fait des deux tiers de ma lame une scie toute dentelée, et pendant plusieurs années je gardai cette épée comme un trophée. Ayant fini cependant par me séparer de ma maîtresse à une heure assez avancée de cette nuit du mardi, je voulus, avant de rentrer chez moi, passer chez le marquis de Caraccioli, pour lui raconter toute la chose. Lui non plus, de la manière dont il avait appris confusément ce qui s’était passé, ne doutait pas que je n’eusse été tué, et que je ne fusse resté dans le parc, que l’on ferme d’ordinaire une demi-heure après la nuit tombée. Il m’accueillit donc comme un homme qui revient de l’autre monde, m’embrassa chaudement, et nous passâmes encore à causer ensemble deux heures de la nuit. Enfin j’arrivai chez moi qu’il était presque jour. Après une journée remplie de si étranges et de si diverses péripéties, je me mis au lit, et jamais je n’ai dormi d’un sommeil plus profond et plus doux.