Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/183

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me savait d’ailleurs empêché du bras gauche, n’hésita pas de son côté à me tenir pour un homme mort. Il courut sur-le-champ au parc Saint-James ; mais n’ayant pas tourné du côté de Green-Park, il ne nous rencontra pas. Sur ces entrefaites, la nuit survint, et il se vit forcé de sortir du parc comme tout le monde. Ne sachant comment s’y prendre pour savoir au juste ce que j’étais devenu, il alla rôder autour de la maison du mari dans l’espoir d’y apprendre quelque chose. Soit qu’il eût à son fiacre de meilleurs chevaux que n’en avait le mari, soit que ce dernier fût allé d’abord autre part, mon Élie arrivait dans son fiacre tout près de la porte du mari juste au moment où celui-ci descendait. Il le vit très-distinctement revenir avec son épée, se précipiter dans sa maison, et en faire aussitôt refermer la porte avec toutes les marques d’un grand trouble. Élie n’en demeura que plus convaincu qu’il m’avait tué, et ne trouvant rien de mieux à faire, il courut chez Caraccioli, et lui dit tout ce qu’il savait et ce qu’il craignait pour moi.

Après une journée si laborieuse, quelques heures d’un sommeil très-calme rafraîchirent mon sang, après quoi je fis de nouveau panser avec soin mes blessures. Celle de l’épaule me causait plus de douleur que jamais, l’autre de moins en moins. Je courus aussitôt chez ma maîtresse, et j’y passai la journée entière. Nous savions par les domestiques tout ce que faisait le mari, dont la maison, comme je l’ai dit, était très-voisine de celle de la belle-sœur où, pour le moment, demeurait ma mai-