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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/200

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l’avais connu à Londres, où il était alors ministre, durant le premier voyage que j’y fis en 1768, et nous ne nous étions senti aucun goût l’un pour l’autre. À mon arrivée à Madrid, ayant su qu’il était avec la cour dans une des résidences royales, je pris le temps de son absence pour laisser chez lui, avec une carte de visite, une lettre de recommandation de la secrétairerie d’état, que j’avais, suivant l’usage, apportée avec moi. À son retour à Madrid, il vint me voir et ne me trouva pas ; puis je ne m’inquiétai plus de lui, ni lui de moi. Tout cela sans doute ne contribuait pas peu à rendre de plus en plus sauvage un caractère déjà passablement inculte. Je quittai donc Madrid dans les premiers jours de décembre, et par la route de Tolède et d Badajoz je m’en allai doucement vers Lisbonne, où, après vingt jours de marche, j’arrivai la veille de Noël.

Cette ville se présente au voyageur qui l’aborde, comme je faisais, par l’autre côté du Tage, comme un magnifique amphithéâtre, presque aussi beau que celui de Gênes, avec plus d’étendue et de variété ; ce spectacle me ravit l’âme, surtout à une certaine distance. Mais l’étonnement et l’admiration allèrent ensuite se refroidissant, à mesure que nous approchions de la rive, puis se transformèrent complètement en douloureuse tristesse, quand il fallut débarquer en certaines rues, qui n’étaient qu’amas de pierres entassées, débris du tremblement de terre, amoncelés, séparés, alignés, comme autant de groupes d’habitations.