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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/233

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que mal, je chantai quelques mauvais vers de ma composition. Je vais encore, à ma honte, les rapporter ici au bas de la page(b). Une telle effronterie


(b). PREMIÈRE COLASCIONATA,[1]
sous le costume d’un poète crotté.

Je vais vous chanter sur la lyre les étranges et amères infortunes de l’amour. Ne craignez pas de les entendre de ma bouche ; car je serai véridique, j’en jure Dieu. Pas un de vous qui ne les ait éprouvées ou senties. Si je vous trompe, vous êtes là pour me démentir.

Bien malheureux celui qui aime avec sincérité. Il n’y a d’heureux en amour que le cœur qui ment. Trompe, si l’on ne trompe, il faut avaler l’hameçon des ruses féminines.

L’amour, ce n’est qu’un jeu d’enfant ; l’estimer plus, c’est montrer peu de sens. Et cependant, infortunés, le repos, la paix, il nous prend tout, le traître ravisseur.

Avant que d’aimer, les liens semblent si doux ; elles nous le font accroire avec leurs perfides caresses. Puis la chaîne devient lourde à mesure que le sot s’enflamme, et quand l’amour est bien son maître, l’autre ne se souvient déjà plus que la chaîne est dure, ou s’il la sent encore, en vain il la secoue ; la main qui l’a rivée sur lui n’était pas une main novice.

L’insensé qui aime se croit un homme, et il ne s’aperçoit pas que déjà il ne l’est plus. Le matin et le soir, toujours même délire ; méprisée, la raison le délaisse. De jour en jour, son cerveau s’use, et déjà il ne distingue plus ni le beau, ni le bon. Il évite ses amis, il s’évite lui-même, pour ne pas voir la faute qu’il a commise. Il n’a pas le courage de la ré-

  1. Colascionata est un mot qui n’a pas d’équivalent en français, c’est une espèce de Pot-Pourri. (N. du T.)