Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/234

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n’était nullement dans mon caractère ; mais trop faible encore pour lutter en face contre ma folle pas-

parer ; il pleure et soupire, et il s’emporte, le pauvre sot, contre le perfide amour.

La femme qui veut autre chose que des plaintes amères ajoute encore par ses reproches à l’âpreté de ses tourmens, et dans cette lutte fatale, chaque jour plus sot, notre amoureux fait la figure d’un hibou. Il lit son arrêt sur le visage de chacun, et il ronge son frein avec une merveilleuse patience. La patience, on dit que c’est une vertu, mais c’est surtout la vertu de l’âne. Pauvre amoureux, si du moins il était, en tout, l’égal du lascif, de l’ignoble, de l’immonde animal!

Souvent encore c’est une froide démence qui l’agite, cette noire passion de la jalousie. Il ne serait pas jaloux, ou vainement il le serait, s’il portait la main à son front.Maris, âmes honnêtes, pour n’être pas jaloux, comment faites-vous donc? Je comprends, vous êtes déjà fatigués de l’être, et vous ne voulez plus regimber toujours en. vain. L’amour coujugal finit tôt par vous ennuyer ; le lit nuptial est son tombeau. Il faut, à leur tour, que les amans se lassent de jeter leurs plaintes au vent, pour une femme 1

Je conclus : l’amoureux fait une triste figure quand il s’imagine en faire une bonne; chacun se rit de lui, et chacun a raison ; l’amoureux n’est jamais qu’un grand bouc. Je vous conseille, en terminant, mes chers amis, vous qui en êtes encore à avaler de ces morceaux amers, de vous débarrasser au plus vite des femmes que vous traînez après vous.

Je vous ai fait rire, pourquoi ne rirais-je pas à mon tour, et des femmes, et de vous, et de moi-même avec vous ?