Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/253

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et j’étais le premier à me moquer de ma Cléopâtre.




et une réputation raisonnable. Et de ma basse condition, j’élève, en riant, mes regards téméraires jusqu’à la plus haute plume du cimier des tragiques, sans leur porter envie.

ZEDSIPPE.

Ah! n’insultez pas ainsi le cothurne. Si je ne voulais pas renoncer à la poésie, j’aimerais mieux encore mourir de faim au milieu de mes acteurs, au cinquième acte d’une médiocre tragédie de ma façon, que de m’enrichir à composer des madrigaux et des sornettes. Mais quelqu’un approche; le tremblement m’a repris... Ciel!... c’est Léon, mon rival, il a un air satisfait. Ma Cléopâtre n’a pas réussi... Je suis perdu.

SCÈNE TROISIÈME.

LÉON, ZEUSIPPE, ORPHÉE.

LÉON.

Chers amis, quelle heureuse rencontre!... Zeusippc, je vous ai écouté avec grand plaisir; que n’êtes-vous venu au théâtre , la salle entière eût croulé au bruit des applaudissent ens.

ZEUSIPPE.

C’est trop, seigneur Léon, c’est trop ; je ne vous crois pas. Je ne me suis pas encore assez souvent lavé le visage dans la source d’Hypocrène pour me présenter au public sans rougir. Si j’étais allé à la représentation, j’y serais mort, je crois, d’inquiétude.

LEON.

Rougir, et pourquoi ? La rougeur n’est pas la couleur poétique. Chassez-moi ces imaginations d’enfant. Composez, mon-