Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/326

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ceux qui avaient autorité dans le gouvernement pour obtenir d’eux qu’ils aidassent cette innocente victime à se délivrer du joug indigne qui pesait sur elle. Quoique ma conscience me dise que dans cette conjoncture je travaillai pour le bien d’autrui plutôt que pour le mien, et me rende ce témoignage que si je donnai à mon amie des conseils extrêmes, ce fut seulement lorsque ses maux le devinrent, car telle a toujours été ma maxime dans les affaires des autres, sinon dans les miennes ; quoique persuadé enfin qu’il n’y avait plus d’autre manière de procéder, je ne m’abaissai pas alors, et jamais je ne m’abaisserai à repousser les sottes et malignes imputations dont on me noircit à cette occasion. Il me suffit de dire que je sauvai mon amie de la tyrannie d’un maître insensé et toujours ivre, sans compromettre son honneur en aucune manière, et sans blesser le moins du monde les convenances de la société. Quiconque a vu de près ou seulement appris toutes les rigueurs de l’étroite captivité où elle se mourait heure par heure, trouvera qu’il n’était pas si aisé de se bien comporter en une pareille affaire, et de la mener à bonne fin, comme je crois l’avoir fait.

Elle entra d’abord dans un couvent de Florence où son mari la conduisit lui-même, comme pour visiter ce lieu, et où il se vit contraint de la laisser, à sa grande surprise ; mais tel était l’ordre du gouvernement, et toutes les dispositions étaient prises. Après qu’elle y fut restée quelques jours, son beau-frère, qui habitait Rome, l’ayant appelée dans cette