Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/495

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le grec, avaient, en me déroutant, épuisé mon cerveau ; et persuadé que désormais il me serait impossible de rien concevoir, je n’y pensais même plus. Mais je ne saurais dire comment il se fit que, dans le plus triste moment de la servitude, et quand les circonstances ne me laissaient guère l’espoir d’en sortir, et que d’ailleurs je n’avais plus ni le temps, ni les moyens de réaliser mes desseins, mon esprit se releva tout-à-coup et je sentis se rallumer en moi les étincelles créatrices. Mes quatre premières comédies, qui, à vrai dire, n’en forment qu’une divisée en quatre, parce qu’elles tendent

en bien ou en mal. S’ils voulaient le faire, ils devaient me connaître et ne pas me souiller de ce titre stupide autant qu’il est vil et arrogant. S’il est vrai qu’il n’y ait point de comte sans comtés, il l’est plus encore qu’il n’y a point de citoyens sans cité. Mais assez sur ce’point, je n’en finirais pas, et je débite des choses connues lippis et tonsoribus. Si vous ne croyez pas pouvoir vous charger décemment de rendre cette lettre, faites-moi le plaisir de la garder jusqu’à ce que j’aie trouvé quelqu’un qui s’en charge. Seulement écrivez-moi que vous l’avez reçue intacte, telle que je vous la renvoie par mon trôs-cber neveu. La comtesse vous répondra elle-même au sujet de ses livres, moi, je quitte la plume pour ne pas vous fatiguer de mes folies. Mais sachez que ma bile s’échauffe de plus en plus, et si je n’avais pas cinquante-deux ans, assurément elle déborderait. Inutilement, direz-vous, mais peut-on dire inutile la parole qui dure des siècles et qui a pour fondement la justice et la vérité? Tout à vous.

Florence, le 28 mars 1801.