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CHAPITRE VIII.

des systèmes, et non le raisonnement, solidement appuyé sur les faits, qui seul crée les théories. Schelling avait osé dire : Philosopher sur la nature, c’est créer la nature. Et, pour lui, pour ses disciples, les faits étaient les conséquences de formules abstraites, et non les formules des généralisations logiques des faits[1].

Schelling donnait donc tout à la pensée, comme Cuvier et son école donnaient tout à l’observation[2]. L’un faisait la science grande comme la création elle-même ; mais il la composait d’hypothèses qui, dans la haute sphère où les tenait son abstraction, planaient, pour ainsi dire, au-dessus des faits sans les atteindre. Les autres, préoccupés seulement du besoin de rigueur dans leur méthode et de certitude dans leurs résultats, n’osaient s’élever au-dessus des faits, de peur de s’égarer en les perdant de vue, comme autrefois, les navigateurs, faute de boussole, se voyaient obligés de suivre timidement la côte.

Ainsi, d’une part, des hypothèses générales ne reposant pas sur les faits ; de l’autre, des faits dont

  1. « Ces philosophes ont voulu, a dit Cuvier dans un Rapport à l’Académie des sciences, non-seulement lier ensemble tous les êtres animés par des analogies successives, mais déduire a priori la composition générale et particulière des lois universelles de l’ontologie et de la métaphysique la plus abstruse. »
  2. Voyez plus haut, p. 127.