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[fossé]
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Nous n’avons pas vu de contrescarpes revêtues avant le XIIIe siècle, tandis qu’à dater de cette époque les fossés sont presque toujours revêtus autour des forteresses importantes, et leur fond dallé même autour des châteaux bâtis avec soin. Le fossé du donjon de Coucy (commencement du XIIIe siècle) est dallé ; le grand fossé devant la porte du château de Pierrefonds (commencement du XVe siècle) l’est également. À la cité de Carcassonne, il reste des fragments considérables de revêtements de contrescarpes des fossés du côté de l’est (fin du XIIIe siècle). La contrescarpe du large fossé qui sépare le château de Coucy de sa baille était revêtue (commencement du XIIIe siècle). Les fossés du château de Vincennes ont été revêtus depuis la reconstruction de ce château pendant le XIVe siècle ; ceux du Louvre l’ont été depuis Charles V[1]. Non-seulement les châteaux, les villes étaient entourées de fossés, mais aussi les abbayes situées hors des villes et même quelquefois les églises paroissiales.

Lorsque l’artillerie fut employée pour assiéger les places, on élargit encore les fossés, et l’on pensa surtout à disposer des défenses pour les enfiler, des chemins couverts pour protéger leurs approches, des ouvrages bas pour obtenir un tir rasant au niveau du fond, des cunettes pour conduire les eaux pluviales, des écluses et retenues pour les inonder quand des cours d’eau ou des étangs voisins le permettaient (voy. Architecture Militaire, bastille, Bastion, Boulevard, Château, Porte, Siége). C’était au seigneur suzerain à régler l’étendue et la largeur des fossés, c’était lui qui dans certains cas exigeait qu’on les comblât. Quant à leur entretien, il était à la charge du seigneur ou à la charge des vassaux par suite de conventions spéciales. Nous trouvons dans un recueil très-curieux publié par M. A. Champollion-Figeac[2] la traduction d’un texte en langage gascon qui a pour titre : « Ayssi es la ordonnansa cum una viela se deu fermar et armar contra son enamixs[3]. » Dans ce texte, les passages relatifs aux fossés de défense sont à noter.

« La manière de la fermeure de la ville : Premièrement, il y doit avoir tout à l’entour des grans, larges et profonds fossés, si profonds qu’il y sorte de l’eau ; et es endroits où il ne peut point avoir de l’eau, doit estre fait au fonds des fossés grande quantité de vosias[4], couvertes avec muraille de terre et d’herbe ; et après, y doit avoir de grands et hauts murs, avec tours de défense de dix en dix brasses (environ 16 mètres), et que les fossés soient bien netoyés et curés, du pied du mur jusqu’au fond, d’herbes et de branchages. Et aux portails et entrées, il y doit avoir des ponts-levis, et tous les chemins des entrées

  1. Sauval.
  2. Droits et usages concernant les travaux de construction publics ou privés sous la troisième race des rois de France. Paris, 1860. Leleux, édit.
  3. Coll. Doat, t. CXLVII, fo 282. M. A. Champollion-Figeac ne nous donne pas la date de ce texte. D’après la nature des défenses, il paraît être de la fin du XIVe siècle.
  4. M. Champollion-Figeac ne traduit pas le mot vosias.