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[tourelle]
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tourelles aux angles, ou de distance en distance, pour poster des guetteurs. Quelquefois même ces tourelles avaient deux étages, l’un au niveau du chemin de ronde, l’autre au-dessus, auquel on montait par une échelle[1]. Ces sortes de tourelles étaient de véritables échauguettes, et les appelait-on ainsi pendant le moyen âge[2]. Les deux fuseaux cylindriques qui flanquent la porte de l’abbaye du Mont-Saint-Michel en mer sont bien des tournelles, dans l’ancienne acception du mot. Voici (fig. 2) une perspective de ce bel ouvrage bâti en assises de granit rose et gris alternées dans la hauteur du premier étage, et qui date de 1260 environ[3]. Ces deux tourelles servaient à la fois d’escaliers et de défenses dans leur partie supérieure. La porte qu’elles flanquent est précédée d’un châtelet, et l’ensemble de la construction est intact[4]. Ce ne sont point des combles coniques qui couronnent les deux cylindres, mais des plates-formes, afin de laisser plus de liberté aux défenseurs.

La porte principale du palais des papes, à Avignon, est également flanquée de deux véritables tourelles, dont la disposition mérite l’attention.

Cette façade se compose d’une suite d’arcs percés de mâchicoulis à la hauteur de 15 mètres au-dessus du sol, et portant un chemin de ronde crénelé, en arrière duquel le mur de face s’élève jusqu’aux combles et porte un second crénelage[5]. Les deux tourelles de la porte reposent, en tas de charge, sur deux piles des arcs formant mâchicoulis, et profitent de la saillie du chemin de ronde pour s’élever jusqu’au crénelage supérieur (fig. 3) ; elles flanquent ainsi les deux chemins de ronde inférieurs A et B, et ajoutent aux défenses de la porte[6].

Les pyramides de couronnement de ces deux tourelles étaient de pierre et décorées de crochets. On observera que les culs-de-lampe qui les supportent sont sur plan circulaire, tandis que les tourelles sont elles-mêmes tracées sur plan octogone, avec nerfs saillants aux angles et au milieu des faces du prisme. Cette disposition n’est pas rare pendant le XVe siècle.

Beaucoup d’hôtels, et de simples maisons même, possédaient des tourelles d’angle permettant de prendre des jours d’enfilade sur les rues, ou des tourelles engagées contenant des escaliers (voyez Maison,

  1. Voyez Clôture, fig. 5.
  2. Voyez Échauguette.
  3. Voyez, à l’article Architecture Monastique, les figures 18 et 19, qui donnent les plans de cette porte, en B et C fig. 18, et en A fig. 19.
  4. Voyez, dans les Archives des monuments historiques, le travail de M. Devrez, architecte, sur le Mont-Saint-Michel en mer.
  5. Voyez Palais, fig. 15 et 16 (XIVe siècle).
  6. La partie supérieure de ces tourelles était encore intacte au commencement du siècle ; l’ouvrage a été rasé au niveau du chemin de ronde depuis lors, mais il existe des dessins et tableaux, dans la bibliothèque d’Avignon, qui permettent de le rétablir dans son intégrité.