Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/319

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Des absurdités du vulgaire
Toujours sot et toujours trompé,
Et de la troupe mercenaire
Par qui ce vulgaire est dupé,
Je vis heureuse et solitaire ;
Non pas que mon esprit sévère
Haïsse par son caractère
Tous les humains également :
Il faut les fuir, c’est chose claire ;
Mais non pas tous, assurément.
Vivre seule dans sa tanière
Est un assez méchant parti ;
Et ce n’est qu’avec un ami
Que la solitude doit plaire.
Pour ami j’ai choisi Voltaire ;
Peut-être en feriez-vous ainsi.
Mes jours s’écoulent sans tristesse ;
Et, dans mon loisir studieux,
Je ne demandais rien aux dieux
Que quelque dose de sagesse,
Quand le plus aimable d’entre eux,
À qui nous érigeons un temple,
A, par ses vers doux et nombreux,
De la sagesse que je veux
Donné les leçons et l’exemple.
Frédéric est le nom sacré
De ce dieu charmant qui m’éclaire :
Que ne puis-je aller à mon gré
Dans l’Olympe où l’on le révère !
Mais le chemin m’en est bouché.
Frédéric est un dieu caché,
Et c’est ce qui nous désespère.
Pour moi, nymphe de ces coteaux,
Et des prés si verts et si beaux.
Enrichis de l’eau qui les baise,
Soumise au fleuve de La Blaise,
Je reste parmi ses roseaux.
Mais vous, du séjour du tonnerre
Ne pourriez-vous descendre un peu ?
C’est bien la peine d’être dieu
Quand on ne vient pas sur la terre !