Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
DU ROI DE FRANCE LOUIS XI.

le Bon, maître de la Bourgogne, de la Franche-Comté, de la Flandre, de l’Artois, des places sur la Somme, et de la Hollande. Il excite les Liégeois à faire une perfidie à ce duc de Bourgogne et à prendre les armes contre lui. Il se remet en même temps entre ses mains à Péronne, croyant le mieux tromper. Quelle plus mauvaise politique ! Mais aussi, étant découvert (1468), il se vit prisonnier dans le château de Péronne, et forcé de marcher à la suite de son vassal contre ces Liégeois mêmes qu’il avait armés. Quelle plus grande humiliation !

Non-seulement il fut toujours perfide, mais il força le duc Charles de Bourgogne à l’être : car ce prince était né emporté, violent, téméraire, mais éloigné de la fraude. Louis XI, en trompant tous ses voisins, les invitait tous à le tromper. À ce commerce de fraudes se joignirent les barbaries les plus sauvages. Ce fut surtout alors qu’on regarda comme un droit de la guerre de faire pendre, de noyer, ou d’égorger les prisonniers faits dans les batailles, et de tuer les vieillards, les enfants et les femmes, dans les villes conquises. Maximilien, depuis empereur, fit pendre par représailles, après sa victoire de Guinegatte, un capitaine gascon qui avait défendu avec bravoure un château contre toute son armée ; et Louis XI, par une autre représaille, fit mourir par le gibet cinquante gentilshommes de l’armée de Maximilien, tombés entre ses mains. Charles de Bourgogne se vengea de quelques autres cruautés du roi en tuant tout dans la ville de Dinant prise à discrétion, et en la réduisant en cendres.

Louis XI craint son frère le duc de Berry (1472), et ce prince est empoisonné par un moine bénédictin, nommé Favre Vésois, son confesseur. Ce n’est pas ici un de ces empoisonnements équivoques adoptés sans preuves par la maligne crédulité des hommes[1] : le duc de Berry soupait entre la dame de Montsorau, sa maîtresse, et son confesseur ; celui-ci leur fait apporter une pêche d’une grosseur singulière : la dame expire immédiatement après en avoir mangé ; le prince, après de cruelles convulsions, meurt au bout de quelque temps.

Odet Daidie, brave seigneur, veut venger le mort, auquel il avait été toujours attaché. Il conduit loin de Louis, en Bretagne, le moine empoisonneur. On lui fait son procès en liberté ; et le jour qu’on doit prononcer la sentence à ce moine, on le trouve mort dans son lit. Louis XI, pour apaiser le cri public, se fait apporter les pièces du procès, et nomme des commissaires ; mais

  1. Voyez la note 2 de la page 37.