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D’ALEXANDRE VI, ET DE LOUIS XII.

d’Alexandre VI. Quelle politique, quel intérêt d’État, de seconder les atrocités d’un scélérat qui le trahit bientôt après ! Et comment les hommes sont gouvernés ! Un pape et son bâtard qu’on avait vu archevêque, souillaient l’Italie de tous les crimes : un roi de France, qu’on a nommé père du peuple, les secondait ; et les nations hébétées demeuraient dans le silence !

La destinée des Français, qui était de conquérir Naples, était aussi d’en être chassés. Ferdinand le Catholique, ou le perfide, qui avait trompé le dernier roi de Naples, son parent, ne fut pas plus fidèle à Louis XII : il fut bientôt d’accord avec Alexandre VI pour ôter au roi de France son partage.

Gonsalve de Cordoue, qui mérita si bien le titre de grand capitaine, et non de vertueux, lui qui disait que la toile d’honneur doit être grossièrement tissue, trompa d’abord les Français, et ensuite les vainquit. Il me semble qu’il y a eu souvent dans les généraux français beaucoup plus de ce courage que l’honneur inspire, que de cet art nécessaire dans les grandes affaires. Le duc de Nemours, descendant de Clovis, commandait les Français : il appela Gonsalve en duel. Gonsalve répondit en battant plusieurs fois son armée, et surtout à Cerignola dans la Fouille, où Nemours fut tué avec quatre mille Français (1503) : il ne périt, dit-on, que neuf Espagnols dans cette bataille ; preuve évidente que Gonsalve avait choisi un poste avantageux, que Nemours avait manqué de prudence, et qu’il n’avait que des troupes découragées. En vain le fameux chevalier Bayard soutint seul sur un pont étroit l’effort de deux cents ennemis qui l’attaquaient ; cet effort de valeur fut glorieux et inutile. On le comparait à Horatius Coclès ; mais il ne combattait pas pour les Romains.

Ce fut dans cette guerre qu’on trouva une nouvelle manière d’exterminer les hommes. Pierre de Navarre, soldat de fortune et grand général espagnol, inventa les mines, dont les Français éprouvèrent les premiers effets.

La France cependant était alors si puissante que Louis XII put mettre à la fois trois armées en campagne et une flotte en mer. De ces trois armées, l’une fut destinée pour Naples, les deux autres pour le Roussillon et pour Fontarabie ; mais aucune de ces armées ne fit des progrès, et celle de Naples fut bientôt entièrement dissipée, tant on opposa une mauvaise conduite à celle du grand capitaine ; enfin Louis XII perdit sa part du royaume de Naples sans retour.

(1503) Bientôt après, l’Italie fut délivrée d’Alexandre VI et de son fils. Tous les historiens se plaisent à transmettre à la posté-