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CHAPITRE CXIII.

d’Adda. Alors chacun des prétendants se jeta sur son partage. Jules II s’empara de toute la Romagne (1509). Ainsi les papes, qui devaient, dit-on, à un empereur de France leurs premiers domaines, durent le reste aux armes de Louis XII. Ils furent alors en possession de presque tout le pays qu’ils occupent aujourd’hui.

Les troupes de l’empereur, s’avançant cependant dans le Frioul, s’emparèrent de Trieste, qui est resté à la maison d’Autriche. Les troupes d’Espagne occupèrent ce que Venise avait en Calabre. Il n’y eut pas jusqu’au duc de Ferrare et au marquis de Mantoue, autrefois général au service des Vénitiens, qui ne saisissent leur proie. Venise passa de la témérité à la consternation. Elle abandonna elle-même ses villes de terre ferme, et leur remit non-seulement les serments de fidélité, mais l’argent qu’elles devaient à l’État ; et réduite à ses lagunes, elle implora la miséricorde de l’empereur Maximilien, qui, se voyant heureux, fut inflexible.

Le sénat, excommunié par le pape et opprimé par tant de princes, n’eut alors d’autre parti à prendre que de se jeter entre les bras du Turc. Il députa Louis Raimond en qualité d’ambassadeur vers Bajazet ; mais l’empereur Maximilien ayant échoué au siège de Padoue, les Vénitiens reprirent courage, et contremandèrent leur ambassadeur. Au lieu de devenir tributaires de la Porte ottomane, ils consentirent à demander pardon au pape Jules II, auquel ils envoyèrent six nobles. Le pape leur imposa des pénitences comme s’il avait fait la guerre par ordre de Dieu, et comme si Dieu avait ordonné aux Vénitiens de ne pas se défendre.

Jules II, ayant rempli son premier projet d’agrandir Rome sur les ruines de Venise, songea au second : c’était de chasser les barbares d’Italie.

Louis XII était retourné en France, prenant toujours, ainsi que Charles VIII, moins de mesures pour conserver qu’il n’avait eu de promptitude à conquérir. Le pape pardonna aux Vénitiens, qui, revenus de leur première terreur, résistaient aux armes impériales.

Enfin il se ligua avec cette même république contre ces mêmes Français, après l’avoir opprimée par eux. Il voulait détruire en Italie tous les étrangers les uns par les autres, exterminer le reste alors languissant de l’autorité allemande, et faire de l’Italie un corps puissant dont le souverain pontife serait le chef. Il n’épargna dans ses desseins ni négociations, ni argent, ni peines. Il fit lui-même la guerre ; il alla à la tranchée ; il