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CHAPITRE CXIX.

À l’égard de leurs lois, ils n’en eurent d’écrites en leur langue qu’en 1552. Les nobles, toujours égaux entre eux, se gouvernaient suivant leurs résolutions prises dans leurs assemblées, qui sont la loi véritable encore aujourd’hui, et le reste de la nation ne s’informe seulement pas de ce qu’on y a résolu. Comme ces possesseurs des terres sont les maîtres de tout, et que les cultivateurs sont esclaves, c’est aussi à ces seuls possesseurs qu’appartiennent les biens de l’Église. Il en est de même en Allemagne ; mais c’est en Pologne une loi expresse et générale, au lieu qu’en Allemagne ce n’est qu’un usage établi, usage trop contraire au christianisme, mais conforme à l’esprit de la constitution germanique. Rome, différemment gouvernée, a eu toujours cet avantage, depuis ses rois et ses consuls jusqu’au dernier temps de la monarchie pontificale, de ne fermer jamais la porte des honneurs au simple mérite.

Les royaumes de Suède, de Danemark, et de Norvége, étaient électifs à peu près comme la Pologne. Les agriculteurs étaient esclaves en Danemark ; mais en Suède ils avaient séance aux diètes de l’État, et donnaient leurs voix pour régler les impôts. Jamais peuples voisins n’eurent une antipathie plus violente que les Suédois et les Danois. Cependant ces nations rivales n’avaient composé qu’un seul État par la fameuse union de Colmar, à la fin du XIVe siècle.

Un roi de Suède, nommé Albert, ayant voulu prendre pour lui le tiers des métairies du royaume, ses sujets se soulevèrent. Marguerite Waldemar, fille de Waldemar III, la Sémiramis du Nord, profita de ces troubles, et se fit reconnaître reine de Suède, de Danemark et de Norvége (1395). Elle unit deux ans après ces royaumes, qui devaient être à perpétuité gouvernés par un même souverain.

Quand on se souvient qu’autrefois de simples pirates danois avaient porté leurs armes victorieuses presque dans toute l’Europe, et conquis l’Angleterre et la Normandie, et qu’on voit ensuite la Suède, la Norvége et le Danemark réunis n’être pas une puissance formidable à leurs voisins, on voit évidemment qu’on ne fait des conquêtes que chez des peuples mal gouvernés. Les villes anséatiques, Hambourg, Lubeck, Dantzick, Rostock, Lunebourg, Vismar, pouvaient résister à ces trois royaumes, parce qu’elles étaient plus riches. La seule ville de Lubeck fit même la guerre aux successeurs de Marguerite Waldemar. Cette union de trois royaumes, qui semble si belle au premier coup d’œil, fut la source de leurs malheurs.