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CHAPITRE CXIX.

différentes. Au lieu de demander un arrêt à la chambre impériale, il obtint de François Ier, roi de France, trois mille hommes. Jamais les Français jusqu’alors n’étaient entrés dans les querelles du Nord. Il est vraisemblable que François Ier, qui aspirait à l’empire, voulait se faire un appui du Danemark. Les troupes françaises combattirent en Suède sous Christiern, mais elles en furent bien mal récompensées : congédiées sans paye, poursuivies dans leur retour par les paysans, il n’en revint pas trois cents hommes en France ; suite ordinaire parmi nous de toute expédition qui se fait trop loin de la patrie.

Nous verrons dans l’article du luthéranisme quel tyran était Christiern. Un de ses crimes fut la source de son châtiment, qui lui fit perdre trois royaumes. Il venait de faire un accord avec un administrateur créé par les états de Suède, nommé Sténon Sture. Christiern semblait moins craindre cet administrateur que le jeune Gustave Vasa, neveu du roi Canutson, prince d’un courage entreprenant, le héros et l’idole de la Suède. Il feignit de vouloir conférer avec l’administrateur dans Stockholm, et demanda qu’on lui amenât sur sa flotte, à la rade de la ville, le jeune Gustave et six autres otages.

(1518) A peine furent-ils sur son vaisseau qu’il les fit mettre aux fers, et fit voile en Danemark avec sa proie. Alors il prépara tout pour une guerre ouverte. Rome se mêlait de cette guerre. Voici comme elle y entra, et comme elle fut trompée.

Troll, archevêque d’Upsal, dont je rapporterai les cruautés en parlant du luthéranisme, élu par le clergé, confirmé par Léon X, et lié d’intérêt avec Christiern, avait été déposé par les états de Suède (1517), et condamné à faire pénitence dans un monastère. Les états furent excommuniés par le pape selon le style ordinaire. Cette excommunication, qui n’était rien par elle-même, était beaucoup par les armes de Christiern.

Il y avait alors en Danemark un légat du pape, nommé Arcemboldi, qui avait vendu les indulgences dans les trois royaumes. Telle avait été son adresse, et telle l’imbécillité des peuples, qu’il avait tiré près de deux millions de florins de ces pays les plus pauvres de l’Europe. Il allait les faire passer à Rome : Christiern les prit pour faire, disait-il, la guerre à des excommuniés. Sa guerre fut heureuse : il fut reconnu roi, et l’archevêque Troll fut rétabli.

(1520) C’est après ce rétablissement que le roi et son primat donnèrent, dans Stockholm, cette fête funeste dans laquelle ils firent égorger le sénat entier et tant de citoyens. Cependant Gus-