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USAGES DES XVe ET XVIe SIÈCLES.

pas de ses intérêts, et dont la raison était supérieure quand elle n’était pas aveuglée par ses passions, ôta la connaissance de cette affaire au parlement ; il ne souffrit pas que la France fût à jamais déshonorée par la proscription de l’imprimerie, et fit payer aux artistes de Mayence le prix de leurs livres.

La vraie philosophie ne commença à luire aux hommes que sur la fin du XVIe siècle. Galilée fut le premier qui fit parler à la physique le langage de la vérité et de la raison : c’était un peu avant que Copernic, sur les frontières de la Pologne, avait découvert le véritable système du monde. Galilée fut non-seulement le premier bon physicien, mais il écrivit aussi élégamment que Platon, et il eut sur le philosophe grec l’avantage incomparable de ne dire que des choses certaines et intelligibles. La manière dont ce grand homme fut traité par l’Inquisition, sur la fin de ses jours, imprimerait une honte éternelle à l’Italie si cette honte n’était pas effacée par la gloire même de Galilée. Une congrégation de théologiens, dans un décret donné en 1616, déclara l’opinion de Copernic, mise par le philosophe florentin dans un si beau jour, « non-seulement hérétique dans la foi, mais absurde dans la philosophie ». Ce jugement contre une vérité prouvée depuis en tant de manières est un grand témoignage de la force des préjugés. Il dut apprendre à ceux qui n’ont que le pouvoir à se taire quand la philosophie parle, et à ne pas se mêler de décider sur ce qui n’est pas de leur ressort. Galilée fut condamné depuis par le même tribunal, en 1633, à la prison et à la pénitence, et fut obligé de se rétracter à genoux. Sa sentence est à la vérité plus douce que celle de Socrate ; mais elle n’est pas moins honteuse à la raison des juges de Rome que la condamnation de Socrate le fut aux lumières des juges d’Athènes : c’est le sort du genre humain que la vérité soit persécutée dès qu’elle commence à paraître. La philosophie, toujours gênée, ne put, dans le XVIe siècle, faire autant de progrès que les beaux-arts.

Les disputes de religion qui agitèrent les esprits en Allemagne, dans le Nord, en France, et en Angleterre, retardèrent les progrès de la raison au lieu de les hâter : des aveugles qui combattaient avec fureur ne pouvaient trouver le chemin de la vérité : ces querelles ne furent qu’une maladie de plus dans l’esprit humain. Les beaux-arts continuèrent à fleurir en Italie, parce que la contagion des controverses ne pénétra guère dans ce pays ; et il arriva que lorsqu’on s’égorgeait en Allemagne, en France, en Angleterre, pour des choses qu’on n’entendait point, l’Italie, tranquille depuis le saccagement étonnant de Rome par l’armée de Charles-