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FONDATION DES PROVINCES-UNIES.

vers (1576), et que toutes les provinces des Pays-Bas, sans consulter ni lui ni son gouverneur, font un traité de pacification avec les révoltés, publient une amnistie, rendent les prisonniers, font démolir des forteresses, et ordonnent qu’on abattra la fameuse statue du duc d’Albe, trophée que son orgueil avait élevé à sa cruauté, et qui était encore debout dans la citadelle d’Anvers, dont le roi était le maître ?

Après la mort du grand-commandeur de Requesens, Philippe, qui pouvait encore essayer de remettre le calme dans les Pays-Bas par sa présence, y envoie don Juan d’Autriche, son frère, ce prince célèbre dans l’Europe par la fameuse victoire de Lépante remportée sur les Turcs, et par son ambition qui lui avait fait tenter d’être roi de Tunis. Philippe n’aimait pas don Juan : il craignait sa gloire, et se défiait de ses desseins. Cependant il lui donne malgré lui le gouvernement des Pays-Bas, dans l’espérance que les peuples, qui aimaient dans ce prince le sang et la valeur de Charles-Quint, pourraient revenir à leur devoir : il se trompa. Le prince d’Orange fut reconnu gouverneur du Brabant dans Bruxelles, lorsque don Juan en sortait (1577), après y avoir été installé gouverneur général. Cet honneur qu’on rendit à Guillaume le Taciturne fut cependant ce qui empêcha le Brabant et la Flandre d’être libres, comme le furent les Hollandais. Il y avait trop de seigneurs dans ces deux provinces : ils furent jaloux du prince d’Orange, et cette jalousie conserva dix provinces à l’Espagne. Ils appellent l’archiduc Mathias pour être gouverneur général en concurrence avec don Juan. On a peine à concevoir qu’un archiduc d’Autriche, proche parent de Philippe II, et catholique, vienne se mettre à la tête d’un parti presque tout protestant contre le chef de sa maison ; mais l’ambition ne connaît point ces liens, et Philippe n’était aimé ni de l’empereur ni de l’empire.

Tout se divise alors, tout est en confusion. Le prince d’Orange, nommé par les états lieutenant général de l’archiduc Mathias, est nécessairement le rival secret de ce prince : tous deux sont opposés à don Juan ; les états se défirent de tous les trois. Un autre parti, également mécontent et des états et des trois princes, déchire la patrie. Les états publient la liberté de conscience (1578) ; mais il n’y avait plus de remède à la frénésie incurable des factions. Don Juan, ayant gagné une bataille inutile à Gemblours, meurt à la fleur de son âge au milieu de ces troubles (1578).

À ce fils de Charles-Quint succède un petit-fils non moins illustre : c’est cet Alexandre Farnèse, duc de Parme, descendant