Il n’en était pas ainsi dans les belles villes commerçantes de l’Italie : on y vivait avec commodité, avec opulence ; ce n’était que dans leur sein qu’on jouissait des douceurs de la vie. Les richesses et la liberté y excitèrent enfin le génie, comme elles élevèrent le courage.
La langue italienne n’était pas encore formée du temps de Frédéric II. On le voit par les vers de cet empereur, qui sont le dernier exemple de la langue romance dégagée de la dureté tudesque :
E la donna Catalana,
E l’ovrar Genoes,
E la danza Trevisana,
E lou cantar Provensales,
Las man e cara d’Angles,
E lou donzol de Toscana.
Ce monument est plus précieux qu’on ne pense, et est fort au-dessus de tous ces décombres des bâtiments du moyen âge, qu’une curiosité grossière et sans goût recherche avec avidité. Il fait voir que la nature ne s’est démentie chez aucune des nations dont Frédéric parle. Les Catalanes sont, comme au temps de cet empereur, les plus belles femmes de l’Espagne. La noblesse française a les mêmes grâces martiales qu’on estimait alors. Une peau douce et blanche, de belles mains, sont encore une chose commune en Angleterre. La jeunesse a plus d’agréments en Toscane qu’ailleurs. Les Génois ont conservé leur industrie ; les Provençaux, leur goût pour la poésie et pour le chant. C’était en Provence et en Languedoc qu’on avait adouci la langue romance. Les Provençaux furent les maîtres des Italiens. Rien n’est si connu des amateurs de ces recherches que les vers sur les Vaudois de l’année 1100 :
N’occir, ne avoulrar, ne prenre de altrui