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DE LA HOLLANDE AU XVIIe SIÈCLE.

ordres du magistrat, et qu’ils ne prenaient point l’ordre du stathouder ; c’est qu’il y eut des séditions sanglantes dans quelques villes (1618), et que le prince Maurice poursuivit sans relâche le parti contraire à sa puissance. Il fit enfin assembler un concile calviniste à Dordrecht, composé de toutes les Églises réformées de l’Europe, excepté de celle de France, qui n’avait pas la permission de son roi d’y envoyer des députés. Les pères de ce synode, qui avaient tant crié contre la dureté des pères de plusieurs conciles, et contre leur autorité, condamnèrent les arminiens, comme ils avaient été eux-mêmes condamnés par le concile de Trente. Plus de cent ministres arminiens furent bannis des sept Provinces. Le prince Maurice tira du corps de la noblesse et des magistrats vingt-six commissaires pour juger le grand pensionnaire Barnevelt, le célèbre Grotius, et quelques autres du parti. On les avait retenus six mois en prison avant de leur faire leur procès.

L’un des grands motifs de la révolte des sept Provinces et des princes d’Orange contre l’Espagne fut d’abord que le duc d’Albe faisait languir longtemps des prisonniers sans les juger, et qu’enfin il les faisait condamner par des commissaires. Les mêmes griefs dont on s’était plaint sous la monarchie espagnole renaquirent dans le sein de la liberté. Barnevelt eut la tête tranchée dans la Haye (1619), plus injustement encore que les comtes d’Egmont et de Horn à Bruxelles. C’était un vieillard de soixante et douze ans, qui avait servi quarante ans sa république dans toutes les affaires politiques avec autant de succès que Maurice et ses frères en avaient eu par les armes. La sentence portait qu’il avait contristé au possible l’Église de Dieu. Grotius, depuis ambassadeur de Suède en France, et plus illustre par ses ouvrages[1] que par son ambassade, fut condamné à une prison perpétuelle dont sa femme eut la hardiesse et le bonheur de le tirer[2]. Cette violence fit naître des conspirations qui attirèrent de nouveaux supplices. Un fils de Barnevelt résolut de venger le sang de son père sur celui de Maurice (1623). Le complot fut découvert. Ses complices, à la tête desquels était un ministre arminien, périrent tous par la main du bourreau. Ce fils de Barnevelt eut le bonheur d’échapper tandis qu’on saisissait les conjurés ; mais son jeune frère eut la tête tranchée, uniquement pour avoir su la conspiration. De Thou mourut en France précisément pour la même cause[3]. La condamnation du

  1. Son ouvrage, le plus célèbre est le de Jure belli et pacis.
  2. En le faisant fuir.
  3. Voyez plus haut, page 29, chapitre clxxvi.