Constantin triomphe de l’empereur Maxence ; mais certainement un Labarum ne lui apparut point dans les nuées, en Picardie, avec une inscription grecque.
Clovis, souillé d’assassinats, se fait chrétien, et commet des assassinats nouveaux ; mais ni une colomhe ne lui apporte une ampoule pour son baptême, ni un ange ne descend du ciel pour lui donner un étendard.
Un moine de Clervaux peut prêcher une croisade[1] ; mais il faut être imbécile pour écrire que Dieu fit des miracles par la main de ce moine, afin d’assurer le succès de cette croisade, qui fut aussi malheureuse que follement entreprise et mal conduite. Le roi Louis VIII peut mourir de phthisie ; mais il n’y a qu’un fanatique ignorant qui puisse dire que les embrassements d’une jeune fille l’auraient guéri, et qu’il mourut martyr de sa chasteté[2].
Chez toutes les nations l’histoire est défigurée par la fable, jusqu’à ce qu’enfin la philosophie vienne éclairer les hommes ; et lorsque enfin la philosophie arrive au milieu de ces ténèbres, elle trouve les esprits si aveuglés par des siècles d’erreurs qu’elle peut à peine les détromper ; elle trouve des cérémonies, des faits, des monuments, établis pour constater des mensonges.
Comment, par exemple, un philosophe aurait-il pu persuader à la populace, dans le temple de Jupiter Stator, que Jupiter n’était point descendu du ciel pour arrêter la fuite des Romains ? Quel philosophe eût pu nier, dans le temple de Castor et de Pollux, que ces deux jumeaux avaient combattu à la tête des troupes ? ne lui aurait-on pas montré l’empreinte des pieds de ces dieux conservée sur le marbre ? Les prêtres de Jupiter et de Pollux n’auraient-ils pas dit à ce philosophe : Criminel incrédule, vous êtes obligé d’avouer, en voyant la colonne rostrale, que nous avons gagné une bataille navale dont cette colonne est le monument : avouez donc que les dieux sont descendus sur terre pour nous défendre, et ne blasphémez point nos miracles en présence des monuments qui les attestent. C’est ainsi que raisonnent dans tous les temps la fourberie et l’imbécillité.
Une princesse idiote bâtit une chapelle aux onze mille vierges ; le desservant de la chapelle ne doute pas que les onze mille vierges n’aient existé, et il fait lapider le sage qui en doute.
Les monuments ne prouvent les faits que quand ces faits vrai-
- ↑ Saint Bernard. Voyez chapitre lv.
- ↑ Voyez chapitre lvi.