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ANNALES DE L’EMPIRE.

teurs de Saxe, du Palatinat, de Mayence, l’administrateur de Brandebourg, les ducs de Bavière, d’Autriche, de Silésie, cent vingt-huit comtes, deux cents barons, qui étaient alors quelque chose : vingt-sept ambassadeurs y représentèrent leurs souverains. On y disputait de luxe, de magnificence : qu’on en juge par le nombre de cinquante orfèvres qui vinrent s’établir à Constance. On y compta cinq cents joueurs d’instruments, et, ce que les usages de ce temps-là rendent très-croyable, il y eut sept cent dix-huit courtisanes sous la protection du magistrat de la ville.

Le pape s’enfuit déguisé en postillon sur les terres de Jean d’Autriche, comte du Tyrol. Ce prince est obligé de livrer le pape, et de demander pardon à genoux à l’empereur.

Tandis que le pape est prisonnier dans un château de ce duc d’Autriche, son protecteur, on instruit son procès. On l’accuse de tous les crimes ; on le dépose le 29 mai, et, par la sentence, le concile se réserve le droit de le punir.

Le 6 juillet de la même année 1415, Jean Hus, confesseur de la reine de Bohême, docteur en théologie, est brûlé vif par sentence des pères du concile, malgré le sauf-conduit très-formel[1] que Sigismond lui avait donné. Cet empereur le remet aux mains de l’électeur palatin, qui le conduisit au bûcher, dans lequel il loua Dieu jusqu’à ce que la flamme étouffât sa voix.

Voici les propositions principales pour lesquelles on le condamna à ce supplice horrible : « Qu’il n’y a qu’une Église catholique, qui renferme dans son sein tous les prédestinés ; que les seigneurs temporels doivent obliger les prêtres à observer la loi ; qu’un mauvais pape n’est pas vicaire de Jésus-Christ. »

« Croyez-vous l’universel a parte rei ? lui dit un cardinal. — Je crois l’universel a parte mentis, répondit Jean Hus. — Vous ne croyez donc pas à la présence réelle ! » s’écria le cardinal.

Il est manifeste qu’on voulait que Jean fût brûlé ; et il le fut[2].

1416. Sigismond, après la condamnation du pape et de Jean Hus, occupé de la gloire d’extirper le schisme, obtient à Narbonne, des rois de Castille, d’Aragon, et de Navarre, leur renonciation à l’obédience de Pierre de la Lune, ou Luna.

Il va de là à Chambéry ériger la Savoie en duché, et en donne l’investiture à Amédée VIII.

Il va à Paris, se met à la place du roi dans le parlement, et y fait un chevalier. On dit que c’était trop, et que le parlement fut

  1. Voyez tome XII, page 3.
  2. Voyez tome XII, pages 4-5.