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et presque expirant, ne pouvait plus agir. Le maréchal de Saxe avait fait la disposition, et les officiers français remportèrent la victoire[1].


CHAPITRE XVI.

SUITE DE LA JOURNÉE DE FONTENOY.


Ce qui est aussi remarquable que cette victoire, c’est que le premier soin du roi de France fut de faire écrire le jour même à l’abbé de Laville, son ministre à la Haye, qu’il ne demandait, pour prix de ses conquêtes, que la pacification de l’Europe, et qu’il était prêt d’envoyer des plénipotentiaires à un congrès. Les États-Généraux, surpris, ne crurent pas l’offre sincère : ce qui dut surprendre davantage, c’est que cette offre fut éludée par la reine de Hongrie et par les Anglais. Cette reine, qui faisait à la fois la guerre en Silésie contre le roi de Prusse, en Italie contre les Français, les Espagnols et les Napolitains, vers le Mein contre l’armée française, semblait devoir demander elle-même une paix dont elle avait besoin ; mais la cour d’Angleterre, qui dirigeait tout, ne voulait point cette paix : la vengeance et les préjugés mènent les cours comme les particuliers.

  1. On est obligé d’avertir que, dans une histoire aussi ample qu’infidèle de cette guerre, imprimée à Londres, en quatre volumes, on avance que les Français ne prirent aucun soin des prisonniers blessés ; on ajoute que le duc de Cumberland envoya au roi de France un coffre rempli de balles mâchées et de morceaux de verre trouvés dans les plaies des Anglais.

    Les auteurs de ces contes puérils pensent apparemment que les balles mâchées sont un poison. C’est un ancien préjugé aussi peu fondé que celui de la poudre blanche. Il est dit dans cette histoire que les Français perdirent dix-neuf mille hommes dans la bataille, que leur roi ne s’y trouva point, qu’il ne passa pas le pont de Calonne, qu’il resta toujours derrière l’Escaut ; il est dit enfin que le parlement de Paris rendit un arrêt qui condamnait à la prison, au bannissement et au fouet, ceux qui publieraient des relations de cette journée. On sent bien que des impostures si extravagantes ne méritent pas d’être réfutées. Mais, puisqu’il s’est trouvé en Angleterre un homme assez dépourvu de connaissances et de bon sens pour écrire de si singulières absurdités, dont son histoire est toute remplie, il peut se trouver un jour des lecteurs capables de les croire. Il est juste qu’on prévienne leur crédulité. (Note de Voltaire.) — Dans l’édition de 1763 on lisait de plus ces mots : « qui ne sert qu’à aigrir une nation contre l’autre. » (B.)