Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/258

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Cependant le roi envoya un aide-major de l’armé, nommé M. de Latour, officier très-éclairé, porter au roi de Prusse la nouvelle de la virtoire ; cet officier rencontra le roi de Prusse au fond de la basse Silésie, du côté de Batibor, dans une gorge de montagnes, près d’un village nommé Friedberg. (4 juin 1745) C’est là qu’il vit ce monarque remporter une victoire signalée contre les Autrichiens. Il manda à son allié, le roi de France : « J’ai acquitté à Friedberg la lettre de change que vous avez tirée sur moi à Fontenoy. »

Le roi de France, de son côté, avait tous les avantages que la victoire de Fontenoy devait donner. Déjà la ville et la citadelle de Tournai s’étaient rendues peu de jours après la bataille[1] ; le maréchal de Saxe avait secrètement concerté avec le roi la prise de Gand, capitale de la Flandre autrichienne, ville plus grande que peuplée, mais riche et florissante par les débris de son ancienne splendeur.

Une des opérations de campagne qui fit le plus d’honneur au marquis de Louvois, dans la guerre de 1689[2], avait été le siége de Gand : il s’était déterminé à ce siége parce que c’était le magasin des ennemis. Louis XV avait précisément la même raison pour s’en rendre maître. On fit, selon l’usage, tous les mouvements qui devaient tromper l’armée ennemie, retirée vers Bruxelles : on prit tellement ses mesures que le marquis du Chaila d’un côté, le comte de Lowendal de l’autre, devaient se trouver devant Gand à la même heure. La garnison n’était alors que de six cents hommes ; les habitants étaient ennemis de la France, quoique de tout temps peu contents de la domination autrichienne, mais très-différents de ce qu’ils étaient autrefois quand eux-mêmes ils composaient une armée. Ces deux marches secrètes se faisaient selon les ordres du général, lorsque cette entreprise fut prête d’échouer par un de ces événements si communs à la guerre.

Les Anglais, quoique vaincus à Fontenoy, n’avaient été ni dispersés, ni découragés. Ils virent des environs de Bruxelles, où ils étaient postés, le péril évident dont Gand était menacé ; ils firent marcher enfin un corps de six mille hommes pour défendre cette ville. Ce corps avançait à Gand sur la chaussée d’Alost, précisément dans le temps que M. du Chaila était environ à une lieue de lui sur la même chaussée, marchant avec trois brigades

  1. Le 22 mai, la ville se rendit, et la citadelle le 19 juin.
  2. Le siège de Gand est de 1678 ; voyez tome XIV, page 277.