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PRÉFACE HISTORIQUE ET CRITIQUE.


couronnes. Oléarius, qui accompagnait, en 1634[1], des envoyés de Holstein en Russie et en Perse, rapporte, au livre troisième de son histoire, que le czar Ivan Basilovitz avait relégué en Sibérie un ambassadeur de l’empereur : c’est un fait dont aucun autre historien, que je sache, n’a jamais parlé ; il n’est pas vraisemblable que l’empereur eût souffert une violation du droit des gens si extraordinaire et si outrageante.

Le même Oléarius dit dans un autre endroit : « Nous partîmes le 13 février, de compagnie avec un certain ambassadeur de France, qui s’appelait Charles de Talleyrand, prince de Chalais, etc. Louis l’avait envoyé avec Jacques Roussel en ambassade en Turquie et en Moscovie ; mais son collègue lui rendit de si mauvais offices auprès du patriarche que le grand-duc le relégua en Sibérie. »

Au livre troisième, il dit que cet ambassadeur, prince de Chalais, et le nommé Roussel, son collègue, qui était marchand, étaient envoyés de Henri IV[2]. Il est assez probable que Henri IV, mort en 1610, n’envoya point d’ambassade en Moscovie en 1634. Si Louis XIII avait fait partir pour ambassadeur un homme d’une maison aussi illustre que celle de Talleyrand, il ne lui eût point donné un marchand pour collègue ; l’Europe aurait été informée de cette ambassade, et l’outrage singulier fait au roi de France eût fait encore plus de bruit.

    Kamshat. Nous retranchons d’ordinaire les ka et les koy qui sont à la fin des noms russes ; et c’est ainsi qu’en usent les Italiens.

    Il y a un article plus important qui peut intéresser, etc. »

    C’est dès 1768 que ce qui forme aujourd’hui le paragraphe VIII a été mis à la suite de la préface de 1759. (B.)

  1. Le prince A. Labanoff, dans sa Lettre à M. le rédacteur du Globe, 1827, in-8°, dit qu’il faut lire 1635, et que 1634 est une faute d’impression. La faute de Voltaire vient de ce que la date de 1634 se trouve dans une phrase d’Oléarius, qui précède celle où il est question du marquis d’Exideuil. (B.)
  2. L’ouvrage allemand d’Oléarius, intitulé Nouvelle Relation d’un voyage en Moscovie et en Perse, a eu plusieurs éditions ; la traduction française, par A. de Vicquefort, a été aussi imprimée plusieurs fois. L’édition de 1727 est celle qu’a consultée Voltaire. Car c’est dans cette édition, page 207, qu’on nomme Henri IV le roi de France au nom duquel on suppose la mission de Talleyrand. M. le prince A. Labanoff dit qu’Oléarius parle simplement du roi de France (sans le nommer). L’édition de 1656, de la traduction française d’Oléarius, porte : le roi défunt, expression qui désigne évidemment Louis XIII, qui d’ailleurs est nommé en toutes lettres dans le passage d’Oléarius que vient de transcrire Voltaire. Charles de Talleyrand avait été envoyé en Russie par Bethlem-Gabor, prince de Transylvanie : c’est ce qu’explique le prince Labanoff dans un Post-scriptum de sa Lettre à M. le rédacteur du Globe, post-scriptum qui contient une lettre de Louis XIII, du 3 mars 1635, par laquelle le monarque français demande au czar la liberté de Talleyrand. Cette lettre de Louis XIII avait été publiée, dès 1782, par G.-F. Muller, comme je l’ai dit dans mon Avertissement. (B.)